• La Vouivre (attention, pour adultes)

     

    Lorsqu' elle se montre sous sa forme de femme elle est très belle, mais tout autant redoutable que lorsqu' elle est sous son aspect de dragon. La nuit elle traverse les airs en battant bruyamment des ailes, guidée par l' escarboucle lumineuse qui lui sert de regard. Le jour, elle reste à dormir, lovée au fond d' une caverne jusqu' à 2 heures de l' après-midi, puis descend vers l' étang, la fontaine ou la rivière pour se baigner.

    Tantôt elle vole jusque là, s' ébroue et bat des ailes sur l' eau comme le font les oiseaux, d' autres fois, elle se coule dans les flots avec sa peau d' écailles et sa queue ondoyante, mais le plus souvent elle préfère se dépouiller de ses fabuleux atours afin de sentir la fraîche caresse des eaux contre son corps nu.

    Dans l' herbe, à l' abri des regards, elle cache sa parure serpente et dépose au-dessus l' oeil précieux (c'est à ce moment là qu' on la croit vulnérable).

    Combien sont venus là l' épier, attendre cet instant pour lui voler son bien. C' est toujours la même chanson. Le maraud, dissimulé sous les buissons, l' observe, la gorge nouée et les yeux ronds, étourdi par sa beauté, quand, dressé sur la rive, les bras levés, elle se tend comme un arc avant de plonger. Il admire la noire mantille des cheveux, la volute musculeuse des courbes, la cambrure en creux et coeur des fesses.

    Peut- être s' il venait la voix émue et l' oeil brillant lui faire un compliment d' amour et proposer un petit tour au drap des fougères, peut-être que pour une fois l' histoire se passerait bien. Elle l' écouterait bafouiller sa cour naïve de mortel, et sourirait au geste malhabile qui, en offrant une fleur, effleurait par hasard la pointe de son sein. Qui sait si la Vouivre ne trouverait pas certain charme rustique à ce jeune effronté et ne se laisserait pas aller à quelque indulgence...Mais le maroufle rêve de veaux, vaches, couvées que lui réclame Perrine avant de se marier. Il a décroché son regard de " l'exquise baigneuse" et se laisse fasciner par l' éclat du diamant avec quoi il pourrait s' acheter tracteur, moissonneuse-batteuse-herseuse-foreuse-arracheuse de haies, trayeuse électrique, usine à poulets, ferme robotique.Il n' a qu' à tendre le bras pendant que la Serpe s' éloigne d' une brasse argentée, attraper le bijou et s' enfuir. On dit que, privée de cette escarboucle, la Vouivre ne voit plus rien. Mais on dit tant de sottises! Il n'a pas encore refermé les doigts sur la pierre qu' un horrible sifflement le glace jusqu' aux os. Le ciel est devenu tout noir, masqué par une silhouette énorme. Il voit surtout les dents pourlèchées par une langue bifide et, au milieu du front de la bête, son visage convulsé de terreur que les mille facettes du diamant déchirent en mille morceaux.

    On a beau les prévenir, c' est toujours la même chanson. Chaque fois on les retrouve déchiqutés, disloqués ou calcinés, et dès qu' on veut les retirer de la vase, ils tombent tous en poussière, tandis que la Vouivre resurgit toujours triomphante des flots.

    source : la grande encyclopédie des fées


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